"Des spécificités individuelles": pourquoi les causes de l'autisme sont si difficiles à établir

Le président américain, Donald Trump, a fait bondir la communauté scientifique ce lundi 22 septembre en intimant aux femmes enceintes de ne pas prendre de paracétamol, l'associant à un risque élevé d'autisme pour les enfants.
"N'en prenez pas" et "n'en donnez pas à votre bébé", a insisté le président américain lors d'une conférence de presse à la Maison Blanche dédiée à l'autisme, l'un de ses grands sujets de préoccupation. "Selon une rumeur -et j'ignore si c'est le cas- ils n'ont pas de paracétamol à Cuba car ils n'ont pas de quoi s'offrir de paracétamol. Eh bien ils n'ont quasiment pas d'autisme", a-t-il encore lancé.
Pourtant, ce risque n'est pas établi. "Certaines études d'observation ont suggéré une possible association entre l'exposition prénatale au paracétamol et l'autisme, mais les preuves restent incohérentes", a déclaré ce mardi un porte-parole de l'Organisation mondiale de la Santé, Tarik Jasarevic, interrogé sur les propos du président américain, lors d'un point de presse régulier.
"Plusieurs études n'ont établi aucune relation de ce type", a-t-il dit, appelant à "la prudence avant de conclure à l'existence d'un lien de causalité" entre le paracétamol et l'autisme.
"Une grande quantité de données provenant de femmes enceintes ayant utilisé du paracétamol pendant leur grossesse indique qu'il n'y a aucun risque de malformations chez le fœtus en développement ou chez les nouveau-nés", affirme aussi l'Agence européenne du médicament dans un communiqué.
Les troubles du spectre de l’autisme (TSA) "font partie des troubles du neurodéveloppement", explique l'Assurance maladie sur son site. Ils se caractérisent par "un déficit persistant de la communication et des interactions sociales" ainsi qu'une "restriction et une répétition des comportements, des intérêts et des activités". Leurs manifestations varient toutefois beaucoup d'une personne à l'autre et évoluent au cours du temps.
Aujourd'hui, les causes établies des TSA sont multiples. Selon le site de l'institut Pasteur, "pour la majorité des personnes autistes, il n'existe pas une seule cause identifiée via un examen médical".
"Quand on trouve une anomalie génétique forte, on peut dire que c'est à cause de cela. Mais la plupart du temps, c'est impossible", explique à BFMTV le professeur Richard Delorme, responsable du centre d'excellence pour l'autisme et les troubles du neurodéveloppement de l'hôpital Robert-Debré à Paris.
"Dans la population générale, les causes sont majoritairement génétiques", précise le chef du service de pédo-psychiatrie de l’hôpital Robert-Debré. Mais les troubles du spectre autistique sont très variés et les mutations génétiques qui peuvent les entraîner sont très nombreuses.
Comme l'explique le site du gouvernement dédié à l'autisme, "si dans certains cas, la variation d’un seul gène peut expliquer une grande partie des symptômes d’un patient, dans d’autres cas la situation génétique est beaucoup plus complexe, impliquant parfois plus d’une centaine de gènes qui individuellement n’auraient pas d’effet, mais qui combinés ensemble, augmentent le risque d’avoir un trouble du spectre de l’autisme".
"Et la situation est d’autant plus complexe que chez 10 à 20% des personnes, ces mutations génétiques ne sont pas héritées, mais sont apparues de novo (de manière spontanée)", ajoute le site.
Des facteurs environnementaux ont également été identifiés par la recherche comme favorisant l'apparition de ces troubles. Parmi eux, la prise, par la mère pendant la grossesse, de médicaments antiépileptiques comme la Dépakine, la naissance prématurée, le manque d’oxygène à la naissance...
"Il y a beaucoup de facteurs qui peuvent être à l'origine du trouble. Souvent, ce n'est pas un facteur qui y conduit, c'est toute une architecture qui est à l'origine du trouble", explique Richard Delorme.
"Ce modèle est vrai pour beaucoup de maladie à déterminisme complexe, comme l'hypertension, le diabète, les cancers…", ajoute-t-il. Il illustre ainsi: "par exemple, une personne qui va fumer un paquet de cigarettes par jour peut ne pas avoir de cancer du poumon, quand une autre qui fume une fois de temps en temps en aura un".

Aujourd'hui, "on commence à avoir une vraie cartographie des anomalies génétiques" qui augmentent la probabilité de développer un trouble du spectre de l’autisme, affirme le chercheur de l’Unité de génétique humaine et fonction cognitive de l’institut Pasteur. "Mais cela nous donne encore plus l'idée qu'il y a vraiment des spécificités individuelles", ajoute Richard Delorme.
En revanche, aujourd'hui, "les données scientifiques adultes montrent que ni les vaccins, ni les caractéristiques psychologiques des parents ne sont des facteurs de risques TSA", affirme le site du gouvernement sur l'autisme.
"Les vaccins sauvent des vies, nous le savons. Les vaccins ne causent pas l'autisme", a également martelé le porte-parole de l'OMS ce mardi.
"Près de 62 millions de personnes vivent avec un trouble du spectre autistique dans le monde, et il est clair qu'en tant que communauté internationale, nous devons redoubler d'efforts pour comprendre (ses) causes", a déclaré Tarik Jasarevic.
BFM TV